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Origines de Louise Koppe

Photo du rédacteur: Florian BernardFlorian Bernard

Dernière mise à jour : 2 févr.

Si Louise Koppe est née à Paris (le 4 mai 1846), ses parents, eux, sont originaires de l’est. Marie-Astié de Valsayre lui prête des origines germanico-scandinave, dans sa biographie de 1883. Et Léon Thévenin ajoute que son père était « luxembourgeois, mais français, car le Grand-Duché était terre française à leur naissance, sous le Premier Empire ».

Tout cela est bien approximatif, et même plutôt inexact. Tentons d’y voir plus clair.

Jean-Pierre Koppe et Catherine Kauth, parents de Louise Koppe, se sont rencontrés et mariés à Paris, en 1839. Mais tous deux sont bien originaires de l’est, d’une zone géographique que se sont disputée les grandes puissances au cours des derniers siècles. Et leurs aïeux ont grandi dans cette zone pendant des générations. C’est donc à eux qu’on va s’intéresser maintenant.


Jean-Pierre Koppe (1802-1881)
Jean-Pierre Koppe (1802-1881)

Les Koppe du Duché de Lorraine


Jean-Pierre Koppe n’était pas du tout Luxembourgeois, mais bien français. Il est né le 11 pluviôse an X de la République (31 janvier 1802) à Hinckange-Brecklange, dans le département de la Moselle créé quelques années plus tôt en 1790, en Lorraine dont le Duché a été annexé à la France en 1766.

Il n’a pas été facile de reconstituer un arbre généalogique très étendu des Koppe. Néanmoins, tous les ancêtres que j’ai pu trouver à Jean-Pierre Koppe sont d’origine paysanne, et viennent d’une zone géographique assez restreinte de la Moselle, située à l'est de Metz.


Historiquement, cette zone géographique a été très instable au cours des derniers siècles. Avant d’être créé en 1790 à la révolution, ce département de Moselle faisait partie du Duché de Lorraine. Ancien état du Saint-Empire Romain Germanique issu de l’Empire de Charlemagne, puis souverain dès 1542, le duché lorrain dure jusqu’en 1766, date de son intégration dans le royaume de France. C’est en 1790, à la Révolution française, que ce Duché est divisé en départements (dont la Moselle). Mais même pendant sa souveraineté (de 1542 à 1766), le Duché de Lorraine a régulièrement été occupé, plus ou moins pacifiquement, par les grandes puissances européennes, ou soumis à leur influence.


Département de la Moselle au moment de sa création (en rouge, la zone d'origine des Koppe/Kopp)
Département de la Moselle au moment de sa création (en rouge, la zone d'origine des Koppe/Kopp)

Jean-Pierre Koppe est donc né Français, car en 1802, la Moselle était un département français. Mais ses parents, eux, nés avant 1766 (1742 pour son père Jean Kopp, et 1760 pour sa mère Barbe Veber), sont nés Lorrains, comme tous leurs ancêtres trouvés.


Intéressons-nous au nom Koppe. KOPPE (variante germanique) et KOPP (variante lorraine, très présente dans l’arbre de Jean-Pierre Koppe) sont deux noms de famille en moyen et bas-allemand, qui représentent une variation du même mot kopf qui signifie "tête, gobelet", avec le sens topographique de hauteur, éminence, nom caractéristique d'un lieu - aussi, sobriquet désignant un homme a grosse tête. Le tout premier Koppe était-il un homme à grosse tête, ou habitait-il sur une petite colline ? Tout ce dont on peut être sûr, c’est qu’il venait de l’est.

Si le nom Kopp est aujourd’hui spécifiquement présent en Lorraine, le nom Koppe, lui, est très présent en Allemagne et aux Pays-Bas. Les racines germaniques de Louise Koppe évoquées par Leon Thévenin sont donc très probables.

 

Les Kauth du Luxembourg


Catherine Kauth (1812-1854)
Catherine Kauth (1812-1854)

Catherine Kauth, elle, est née le 10 mars 1812 à Wiltz commune située géographiquement dans l’actuel Duché du Luxembourg. Le Luxembourg était alors inclus dans l’Empire de Napoléon 1er, et faisait partie de ce qu’on appelait le Département des Forêts.

Catherine Kauth est née Française, mais qu'en est-il de ses ancêtres, originaires de la région de Wiltz (actuellement au Luxembourg) et d'Arlon (actuellement en Belgique) ? L'histoire de cette zone géographique est complexe, constellée par de nombreux comtés et duchés plus ou moins indépendants, faisant partie du Saint-Empire romain germanique et souvent disputés par les grandes puissances européennes au fil des siècles. Pas besoin de s'attarder sur un historique trop détaillé.

L'essentiel est que les ancêtres Kauth de Louise Koppe ont vécu dans le Duché du Luxembourg, alors une province des Pays-Bas méridionaux qui, après avoir été sous la domination du roi d'Espagne, passa ensuite sous le contrôle des Habsbourg d'Autriche. Ces ancêtres venaient principalement des villes de Wiltz et Arlon.

Et puis, en 1789, la Révolution française éclate. En 1795, les troupes révolutionnaires françaises conquièrent la forteresse et le Luxembourg est annexé à la France en tant que département des Forêts. C’est dans ce nouveau territoire Français, à Wiltz, que Catherine Kauth nait en 1812.

Carte des cessions du territoire luxembourgeois à la France, la Prusse et la Belgique
Carte des cessions du territoire luxembourgeois à la France, la Prusse et la Belgique

Revenons maintenant sur la généalogie de Catherine Kauth, en étudiant deux branches intéressantes : les Kauth/Kautte de Wiltz, et les Kalbfleisch d’Arlon.

 

Arbre généalogique de Catherine Kauth, mère de Louise Koppe
Arbre généalogique de Catherine Kauth, mère de Louise Koppe

Gaspard Kauth (1774-1845), grand-père maternel de Louise Koppe, drapier, venait d’une famille de tisserands et d’artisans installés à Wiltz depuis plusieurs générations. Je n’ai pas trouvé de signification ou d’origine étymologique au nom Kauth. Ce nom à consonnance germanique est aujourd’hui surtout répandu au Luxembourg et en Allemagne.


Élisabeth Kalbfleisch (1776-1831), mère de Catherine Kauth et donc grand-mère maternelle de Louise Koppe, est née à Wiltz, mais ses parents, eux, sont originaires d’Arlon. Cette branche est très intéressante, car elle a fait l’objet de nombreuses recherches parmi les généalogistes luxembourgeois, et elle est très détaillée, remontant jusqu’au XVIe siècle et réservant une petite surprise.

Tout d’abord, chose remarquable : le père d’Élisabeth Kalbfleisch, Pierre, était tanneur à Arlon, tout comme son père, et le père de son père… Des tanneurs de père en fils sur cinq générations !

On remonte ainsi jusqu’à Nicolas Kalbfleisch (1626-1696), tanneur à Arlon.


Kalbfleisch, en allemand, signifie « veau »… Pas étonnant que nous ayons affaire à une famille de tanneurs de père en fils finalement ! (Il existe d’ailleurs une « rue des Tanneries » à Arlon). Ce nom vient donc probablement d’Allemagne, et plus précisément de la région de Francfort, où on retrouve aujourd’hui la plus grande concentration d’actes civils portant ce nom.

Justement. Nicolas Kalbfleisch ne porte en fait pas le nom de son père, mais celui de sa mère, une femme dont nous ne connaissons pas le prénom, mais qui est originaire de Francfort ! Son père quant à lui, dont nous ne connaissons pas le prénom également, viendrait d’encore plus loin…

La mère de Nicolas Kalbfleisch, originaire de Francfort, aurait eu une relation, avant 1626 (année de naissance de Nicolas), avec un lituanien du nom de Radziwill. Oui, un lituanien. Enfin, plus exactement un lituano-polonais, car à l’époque, le Grand-Duché de Lituanie faisait partie de la République des Deux Nations, ou République de Pologne-Lituanie.  C’est d’ailleurs dans cette zone que nous retrouvons la plus grosse concentration de Radziwill aujourd’hui.


Mais là, j’ai trouvé deux pistes plus ou moins divergentes, données par deux généalogistes professionnels avec qui Louise Koppe partage cette branche Kalbfleisch, et avec qui j’ai pu discuter.


Hypothèse n°1 : (hypothèse de Robert Deltgent - www.luxroots.org)

A priori, c’est la théorie la plus documentée, car Robert Deltgen s’est rendu à Arlon pour dépiauter les archives. Sa théorie n’est pas très fantasque, c’est un point positif, mais je la trouve un peu bancale.

D’après lui, Radziwill était un tanneur d’origine lituanienne ou russe, que Kalbfleisch aurait rencontré à Francfort. Ils auraient fui ensemble Francfort (peut-être pour échapper à la guerre de 30 ans, ou à l’épidémie de peste ?) et seraient allés à Arlon (Grand-Duché du Luxembourg) pour y retrouver un cousin, un prêtre du nom de Kalbfleisch… Celui-ci aurait baptisé bon nombre d’enfants du nom de Kalbfleisch. Radziwill, quant à lui, aurait créé la première tannerie à Arlon, la tannerie Radziwill.

 

Hypothèse n°2 : (hypothèse de Pam Kalbfleisch – son mari est un descendant direct des Kalbfleisch dont nous parlons)

C’est une hypothèse plus mirobolante, et franchement pas complètement improbable, mais ça ne colle pas avec un Radziwill qui aurait créé la première tannerie d’Arlon.

Radziwill c’est surtout le nom d'une des plus anciennes et des plus riches maisons lituano-polonaises de l’époque. Elle commence à figurer dans l'histoire au XIVe siècle, et porte depuis 1518 le titre de prince du Saint-Empire Romain Germanique.

A l’époque, il était courant que des nobles aient des enfants illégitimes, hors mariage. Et là, on a justement affaire à la naissance d’un Nicolas Kalbfleisch, et non d’un Nicolas Radziwill. Son père ne l’a donc pas reconnu, tout comme l’aurait fait un noble enfantant un bâtard… Voilà donc la théorie de Pam Kalbfleisch : d’après elle, Nicolas Kalbfleisch serait le fils caché d’un noble Radziwill, et sa mère aurait fui Francfort (fui ce noble ? ou la guerre de 30 ans ou la peste ?) et rejoint Arlon (et peut-être donc ce fameux cousin prêtre), donnant son nom à son fils.

Quel noble Radziwill, né vers 1595, aurait pu être à Francfort vers 1626 ?

S’agirait-il d’Albert Stanisław Radziwiłł (1595-1656), grand chancelier de Lituanie en 1623, mais qui n’a jamais eu d’enfant légitime ? Ou peut-être plutôt Alexandre Louis Radziwiłł (1594-1654), grand-maréchal de Lituanie, plus amené à voyager ? Ou sinon peut-être un Radziwill plus éloigné, mais ayant néanmoins quelques racines nobles ?

 Albert Stanislaw RADZIWILL et Alexandre Louis RADZIWILL
 Albert Stanislaw RADZIWILL et Alexandre Louis RADZIWILL

Nous ne le saurons surement jamais… Un maigre espoir réside, dans les tests ADN sur le chromosome Y, qui pourraient devenir suffisamment poussés et précis pour savoir si les Kalbfleisch ont bien un ADN Radziwill (Pam Kalbfleisch m'a dit que son mari allait faire le test). Mais bon… Aussi alléchante soit-elle, cette théorie est assez saugrenue, et il est quand même plus probable que ce Radziwill dont descend Louise Koppe n’est qu’un Radziwill lambda, et simple tanneur…


Quoi qu’il en soit, pour résumer, Catherine Kauth est bien principalement d’origine luxembourgeoise, avec des racines solides à Wiltz et à Arlon. Et en poussant un peu plus loin… beaucoup loin en fait (7 générations plus haut !), on voit qu’elle possède des racines allemandes et lituaniennes très diluées qu’on ne pourra malheureusement pas approfondir.


 

Pour conclure, les origines de Louise Koppe se situent donc précisément en Lorraine (côté paternel) et au Luxembourg (côté maternel). Historiquement, ces deux duchés ayant longtemps fait partie du Saint-Empire Germanique, on peut donc tout à fait parler d’une origine germanique pour Louise Koppe. Rien que le nom « Koppe » est d’origine germanique, comme nous l’avons vu. Et puis, aussi bien chez les Koppe que chez les Kauth, on parlait des patois dérivés de l’allemand, et c’est d’ailleurs certainement en allemand que Jean-Pierre Koppe et Catherine Kauth devaient converser entre eux.

Quant à une éventuelle origine scandinave… alors là, je ne vois pas d’où ça pourrait venir. Louise Koppe se présentait-elle comme telle ? Et si oui, pour quelle raison ? Ou serait-ce une facétie de Marie-Astié de Valsayre, reprise par Léon Thévenin, pour rendre sa biographie plus attrayante ? Ou tout simplement une simple erreur de l’un ou de l’autre à laquelle tout le monde croyait sincèrement ?

 
 
 

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